Henri Grialou avait accès à la Bible dans son enfance à travers les lectures de la messe et le catéchisme. Mais en entrant au séminaire pour se préparer à devenir prêtre, il est amené à la lire personnellement, dans son intégralité. Les cahiers où il prenait des notes de lecture nous sont parvenus. On y voit comment, dans sa méditation de la Bible, il cherche à connaître ce Dieu qui l’appelle et sa manière d’agir. Dans l’un d’entre eux, alors qu’il s’interroge sur sa mission future, il écrit à propos de la parole divine adressée à Moïse et Aaron : « je vous ferai savoir ce que vous aurez à faire » (Ex 4,15) : Dans ces missions spéciales, Dieu (…) dit à chaque instant ce qu’il y a faire, dans toutes les difficultés la solution à adopter. La mission de Moïse est bien caractéristique de ce mode d’action de la Providence divine. (vers Mars 1920)
Jeune prêtre à peine ordonné, il entre au noviciat des Père Carmes, à Avon. Il avance dans l’obscurité sur le chemin de sa vocation, en renonçant pour un temps à exercer un ministère qui l’attire. A peine arrivé, il ouvre sa Bible et tombe sur la rencontre de Jésus avec le maître juif Nicodème. Une phrase le frappe : ” il vous faut naître d’en haut ” (Jn 3,7). Il note :
Dans ce moment décisif où sa vie prend une orientation toute nouvelle, il entend la parole de Jésus qui résonne dans l’Evangile. Parole vivante, elle s’adresse à lui aujourd’hui et le met en confiance en lui donnant la lumière.
Le fruit de sa méditation de l’Ecriture en dialogue avec la vie jaillit en paroles spontanées lorsqu’il commente les scènes de l’Evangile dans ses homélies. On a alors l’impression qu’il entre à l’intérieur de la scène. Ainsi, lorsqu’il évoque la multiplication des pains qui s’achève par une tentative de la foule de se saisir de Jésus pour le faire roi (Jn 6,1-15):
Notre-Seigneur se dérobe. (…) Il profite probablement du moment où ses apôtres ramassent dans des corbeilles le pain qui reste. (…)Il y a là un trait de mœurs que nous devons retenir : Notre-Seigneur échappe à la foule et aux apôtres pour se retirer dans la montagne. Ce devait être un geste habituel qui n’étonnait pas les apôtres. Ils respectaient cette liberté que Notre-Seigneur prenait pour prier, pour passer assez fréquemment probablement la nuit sur la montagne, et s’abîmer dans la prière. Pendant ce temps, les apôtres allaient de côté et d’autre chercher un coin où ils pourraient prendre le repos de la nuit, avant de le retrouver le lendemain matin. (20.03.1966).
En relevant ce qu’il appelle un trait de mœurs de Jésus, le prédicateur en tire ensuite les leçons pratiques pour ceux qui veulent être ses disciples : sa sollicitude pour les foules affamées ne l’empêche pas de prendre le temps de la prière, en se mettant à l’écart, dans le silence paisible de la nuit tombante.
Au cours des heures saintes que le P. Marie-Eugène passait avec la communauté de Notre-Dame de Vie le jeudi saint devant le reposoir, il méditait l’Ecriture à voix haute. Il semblait alors oublier ses auditeurs pour entrer dans un dialogue vivant avec le Christ au jardin des Oliviers. Les paroles de Jésus devenaient ses propres paroles, les paroles de sa prière :
Ce que le maître spirituel écrit dans Je Veux Voir Dieu est donc issu d’une expérience personnelle. Sa connaissance intime du Christ est le fruit d’une méditation assidue de l’Ecriture qui nourrit le dialogue vivant de la prière et éclaire la vie :