Déranger veut dire sortir du rang.
L’Esprit saint nous bouscule, il nous dérange.
Ce fut l’expérience du père Marie-Eugène ; en même temps il confiait à la fin de sa vie « Je l’appelle mon ami et je crois que j’ai des raisons pour cela . »
Ça semble contradictoire.
Lisons quelques textes pour mieux comprendre sa doctrine.
Un ami bien déconcertant
Il arrive que l’Esprit Saint nous contrarie. Mais pourquoi ?
Nous en avons un exemple dans les Actes des Apôtres: « Paul et Silas parcoururent la Phrygie et la région galate, car le Saint Esprit les avait empêchés d’annoncer la Parole en Asie. Arrivés aux limites de la Mysie, ils tentèrent de gagner la Bithynie, mais l’Esprit de Jésus les en empêcha. (Ac 16,6-7 TOB)
Ce qui est notable, c’est que les obstacles que Paul a rencontrés, et qui sont attribuées à l’Esprit Saint, se cachent très probablement sous des apparences contingentes, ordinaires. Mais le plus étonnant, c’est que l’Esprit contrarie pour un mieux : Paul et Silas ont eu une grâce après avoir rejoint Troas à contre cœur : « Ils traversèrent alors la Mysie et descendirent à Troas. « Une nuit, Paul eut une vision : un Macédonien lui apparut, debout, qui lui faisait cette prière : «Passe en Macédoine, viens à notre secours !» À la suite de cette vision de Paul, nous avons immédiatement cherché à partir pour la Macédoine, car nous étions convaincus que Dieu venait de nous appeler à y annoncer la Bonne Nouvelle. (Ac 16,8-10) Le père Marie-Eugène a expérimenté, lui-aussi les déconvenues et les contrariétés issues de l’Esprit : « l’Esprit-Saint m’a toujours contrarié » dit-il.
Le père Marie-Eugène dirigeait le bulletin Carmel dès 1925. En 1928, il est nommé Supérieur du Juvénat du Petit Castelet à Tarascon : seulement une trentaine d’élèves… Une œuvre à laquelle il ne croyait pas. Néanmoins il s’est soumis ; les fruits apparurent peu après : c’est là qu’il rencontra les trois premières jeunes femmes avec qui il fonda l’Institut Notre-Dame de Vie.
Il fait cette confidence en 1942 :
C’est en cela que va consister l’ascèse passive : accepter les événements providentiels comme voulus par Dieu et les assumer. Car l’usure du temps, des obstacles et de la nuit de la foi pourraient faire tomber les ardeurs des débuts. La vertu d’humilité, si l’on en croit le père Marie-Eugène est le seul antidote au découragement : « Seule l’humilité peut conserver aux grands désirs leur regard confiant vers les sommets à travers les vicissitudes intérieures et extérieures de la vie spirituelle . »
Ici nous pouvons penser à ce que dit Thérèse d’Avila de ces âmes qui n’aiment pas les reproches : « Elles n’embrassent pas la croix, elles la trainent ; aussi la croix les blesse, les lasse, et les tue. Au contraire, la croix lorsqu’elle est chérie, devient douce à porter. Cela ne fait aucun doute . »
Un ami qui dilate et sanctifie
Dans l’œuvre du père Marie-Eugène, ce qui domine n’est pas le rôle de contention de l’Esprit, mais plutôt son rôle de dilatation, de sanctification.
Nous devons au prophète Ezéchiel cet oracle : « Je mettrai mon esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes » (Ez 36, 27). Que signifie cette habitation ? Non pas certes comme une perle dans son écrin, mais plutôt un principe actif, qui est amour et foyer d’amour. Il est là signifie : il agit. « Dieu, dit le père Marie-Eugène, est en activité constante d’amour » (Je veux voir Dieu p. 58).
La grâce nous fait enfants de Dieu, et nous rend capable d’appeler Dieu Père. Le père Marie-Eugène insiste sur le fait que la grâce nous rend participants de la vie divine « pour nous soulever en cette aspiration vers Dieu notre Père » (Je veux voir Dieu p. 1028).
« Quand l’Esprit-Saint nous saisit, il nous lie à tous les mouvements, toutes les aspirations de l’Amour substantiel qu’il est lui-même dans le sein de Dieu et nous associe à ses réalisations » (p. 1030).
Le rôle actif de l’Esprit Saint en nous impose en retour une réponse active sur le plan de la foi : « Il ne s’agit pas de croire à l’Esprit Saint d’une façon vague ; il faut que nous croyions en lui comme à une réalité vivante, à une Personne vivante, intelligente, toute-puissante, comme à une personne qui sait ce qu’elle veut, qui fait ce qu’elle veut, et qui sait où elle va .